KATUTURA


jeudi, mars 19, 2009
 



Père Siffleur, et le pape en Afrique,

Dans les années cinquante, je travaillais dans un township (rayée de la carte aujourd’hui) à 7 miles au nord de Prétoria. On l’appelait « Blackspot ». Plus de 100 000 habitants (sans compter les femmes et les enfants dirait-on bibliquement) dans un espace de un ou deux « square miles ». 1500 élèves dans notre école, dans ma classe une soixantaine, garçons et filles de 15 à 20 ans. Les heures libres du weekend nous permettaient d’aller à la recherche des absents. Dans ces « boîtes » municipales, sans eau courante ni électricité, une famille par chambre. Il y avait un toit mais pas de plafond. On entendait tout. Pas de télé à l’époque, pas de distraction. Après le stress et les humiliations empilées au service des Blancs, que restait-il pour « se défouler » sinon la bière et le sexe ? J’ai vu le jeu de la copulation. Et des conséquences. Le SIDA déjà présent ? On disait que les malades étaient tuberculeux. Aujourd’hui, SIDA et TB sont cousins. On nomme souvent l’un pour éviter « la honte » de l’autre. Une honte aggravée, par des tabous culturels, mais aussi religieux, notamment en accentuant une certaine morale sexuelle dans l’enseignement des doctrines.

En 1993 et en 1999, j’ai vécu quelques mois dans plusieurs townships et j’ai vu l’actualité non télévisée ! « SIDA + HIV ». J’arrive le samedi de Johannesburg à Vrede, (vaste township). Ma communauté vit dans une « Council house », au cœur des masses, une parmi les « boîtes d’allumettes » que le nouveau gouvernement construit à toute vitesse. Ce samedi dans notre seul quartier, 14 enterrements de Sidéens, tous jeunes, couchés dans des cercueils « Action supermarché » ou 4 plaches clouées à la hâte ou simplement une couverture. Vers l’immense « God’s golden acre » Parfois il y avait 20 ou 25 cadavres à mettre en terre dans une seule paroisse.
J’ai été, seule, explorer les cliniques (les murs peints à neuf, mais sans infra structures, et j’ai vu traîner les Sidéens et le personnel « soignant et quasi indifférent » « car il y en a trop ! Et le gouvernement ne fait rien.

Mes consœurs, elles, soignaient les Sidéens dans un garage inusité. Ils mangeaient parfois avec nous. Quel luxe. Nous avions des aspirines. Pour les mamans infectées d’antirétroviraux. Le Président Mbeki et la ministre de la Santé, Manto Tshabalala-Msimang, conseillaient aux gens de manger des ails, des betteraves et des citrons. Elle fut rebaptisée Dr. Betterave (voir les adresses ci-dessous). Peut-on concevoir un médecin, une infirmière ne pas tout faire, hic et nunc, condom y compris, pour prévenir et soulager la souffrance ou protéger la vie ? Peut-on dire, comme le pape aujourd’hui « vous reflétez le mystère de la Croix, vous les malades et les souffrants et vous êtes proches de Simon de Cyrène, l’Africain, qui porte la Croix avec Jésus » ?

J’ai aussi visité un grand hôpital à l’infra structure médicale minime (propriété de l’église) Dans le halle d’entrée : collés au murs 3 grands posters : celui du milieu était un géant condom rose, à gauche le « sacré Cœur de Sacré Cœur de Jésus, à droite, le Cœur Immaculé de Marie » et en dessous trois lettres immense en caractères GRAS : « VIVA CONDOM VIVA !». Qui avait mis ça en place ? Le Département de la santé ANC je suppose. Qui avait mis en place Jésus et Marie ? Les agents ecclésiaux je suppose. Qui avait eu l’idée de leur compagnonnage ?
Les gens de tous les jours ne regardaient plus ni l’un ni l’autre. La priorité étant la survie. Les condoms gratuits sont souvent de mauvaise qualité, percés ou troués et rendent de mauvais services ! Mais bien pire que ça, les mâles ne voulaient pas de condoms car cela diminuait la jouissance de l’exercice. Souvent les mâles insistaient, voire violaient les femmes s’il y avait résistance pour cause de non-condom ! Il a fallu des années pour obtenir des médicaments antirétroviraux pour les « mamans HIV positives » qui allaitaient les bébés. Sans ces médicaments, le lait des mamans transmettait le virus au bébé.

Pour nous, les sœurs travaillant avec des ONG’s, en plus de l’approche holistique, notre priorité étaient de promouvoir, avec les femmes elles-mêmes et dès le plus bas âge, la prise de conscience que leur corps n’est pas à vendre. Debout, délivrées de la paralysie indue par la culture et/ou la religion : dire NON à la domination sexuelle mâle. Dire OUI, si cela correspond à ma dignité. Quel rapport de force inégal ! C’est la réalité.

Les femmes vivent leur vie au quotidien, à la base, pas en compagnie ni sous la férule de présidents de quelque’ Etat qu’ils soient !
Au Cameroun, en Angola, en Afrique et bien au-delà, les chefs religieux ne montrent pas du doigt les mâles qui prostitueurs et violeurs de femmes, ils ne les nomment par leurs noms.
Mais on nomme les prostituées, les Marie Madeleine que Jésus tenait dans ses bras tout en écrivant par terre les chefs d’accusation des violeurs et des anciens !!!
Qu’Il est donc loin de nous, le Fils du Charpentier de Nazareth, Joseph, dont c’est la fête aujourd’hui, dit-on !

Père Siffleur, pourquoi les média sont-ils , comme les chefs religieux, hantés par le sexe (des autres), pourquoi remplissent-ils les écrans TV, les pages de presse, de dérives plutôt que de la noblesse de l’activité sexuelle ?

Pour ce qui concerne le Pape : pourquoi ne pas mettre en situation (africaine dans le cas qui nous préoccupe actuellement) la réalité quotidienne culturelle(s) et religieuse (s) africaines dans sa vie quotidienne et dans son Histoire ?

Pourquoi ne pas mettre au second plan ce visiteur, « chef d’état et pasteur » qui aurait avantage à se faire d’abord explorateur, apprenant le langage de ceux à qui les systèmes ôtent leur droit de penser par et pour eux-mêmes ?

Dix-sept Homélies /conférences, (selon le weekly Catholic The Tablet du 14 mars 2009 p. 33) Il parlera en français et en espagnol alors que les africains ont droit à LEUR langue, à leurs catégories mentales, leur vocabulaire, leur psyche ! Pourquoi déverser sur cette foule apparemment en liesse emprisonnée sur des stades sous haute surveillance, des coulées de mots comme la lave au pied d’un volcan.

France 3 TV tendait cet après-midi le micro à un Camerounais : « Le pape a son opinion, nous avons la nôtre, les ONG ont la leur…On fait la fête .» Puis un flash sur le visage d’une femme en transe qui se tortille devant la beauté divine du pape blanc.

Pour plus d’information :
· ma note du 02.12.2007 dans ce blog-ci sur le SIDA, Archives

· Ecoutez l’évêque Kevin Dowling en date du 2 juin 2007 dans HARD TALK à la BBC avec Steven Sackur au sujet du SIDA et de la prostitution

http://news.bbc.co.uk/2/hi/programmes/hardtalk/6732051.stm

· Ails, citrons et betteraves du Dr “Betterave” ci-dessous

· http://209.85.129.132/search?q=cache:x1vDzvpIUT8J:www.geostrategique.net/viewtopic.php%3Ft%3D3305%26sid%3D656b3b9901cae5a74cd6c29faf148c91+Dr+Betterave&cd=1&hl=fr&ct=clnk&gl=ch&lr=lang_fr

En conclusion : « Voici l'essentiel de la déclaration controversée du pape, rapportée mercredi par le Corriere della Sera , et traduite par lepoint.fr :

"Je pense que ce qui est plus efficace, plus présent et plus fort dans la lutte contre le sida, c'est justement l'Église catholique, avec ses structures, ses mouvements et ses communautés (...) On ne peut pas régler le problème du sida seulement avec de l'argent (...) Et on ne peut pas régler ce drame avec la distribution de préservatifs, qui au contraire augmentent le problème. La solution peut être double, l'humanisation de la sexualité et une vraie amitié envers les personnes qui souffrent. "

Connaître théoriquement l’Afrique est impossible. Il vaut mieux essayer de dire comme le Camérounais cité plus haut par TV2, que de s’exaspérer de propos dit malheureusement dans les airs, sans trop réfléchir semble-t-il.. Puis, comme Nelson Mandela apprendre à comprendre…et pardonner si c’est possible.

Demain, c’est l’Angola ! Musique d’avenir…