KATUTURA


samedi, novembre 04, 2006
 
Le tyran P.W. Botha est mort :

questions :

le maudire la haine au cœur ?

le remettre au jugement de ses victimes, mortes de sa main et de son système,
et avant tout, le remettre au jugement de son créateur ?



L’Afrique du Sud sous le régime de P.W. Botha, c’était comment?

P.W. Botha est mort. Sur le blog Katututa on trouve les réactions de nos dirigeants
actuels en Afrique du Sud, y compris notre Madiba.

Ces paroles conciliantes de nos dirigeants, au-delà de l’aspect diplomatique, révèlent
la maturité politique de la Nation et le chemin parcouru vers une société réconciliée,
sans oublier pour autant son passé !

On pourrait mal comprendre, ayant vécu ou ayant été témoin (comme moi) de la cruauté
de P.W. Botha du temps de son règne, la magnanimité des réactions officielles ou quasi officielles
de nos dirigeants actuels. Et je pense également à Helène Suzman, à Nadine Gordimer.

Réfléchir sur l’origine – au-delà d’une motivation pragmatique de diplomatie – de l’attitude
de « pardon » est difficile, mais nécessaire pour essayer d’être vrai et pour faire justice
au peuple proche de mon cœur : le peuple d’Afrique du Sud.

J’ai cherché et trouvé sur Internet des variantes aux agences de presse occidentales.

Hopewell Radebe est journaliste (Deputy News Editor, Business Day, Johannesburg)

Des réactions plus enracinées dans le vécu historique des gens de Soweto par exemple.
J’ai trouvé des personnes profondément blessées par le fait qu’un tyran, en son temps,
fut pardonné par ses victimes-mêmes, en l’occurrence Madiba. On oublie presque les mots de Nelson Mandela :
« M. Botha reste un symbole de l’apartheid, mais c’est aussi lui qui a fait
les premiers pas vers un changement et vers des négociations avec l’ANC et ses représentants… »

Le Congrès des Syndicats sud-africains (COSATU) s’exprime ainsi :
« Botha restera l’homme de l’apartheid raciste… crime qu’il n’a jamais reconnu comme tel,
qu’il n’a pas regretté puisqu’il a refusé de comparaître devant la Commission pour la Vérité
et la Réconciliation (TRC). »

La Congrès Pan Africain (PAC) est convaincu que « permettre des funérailles officielles et mettre
les drapeaux en berne est une insulte au peuple africain. »

Par contre, Jan Hofmeyer, de l’Institut pour la Justice et la Réconciliation tente d’expliquer
que P.W. Botha pour la majorité des Sud-africain« n’a aucune espèce d’importance ».



Yasmin Sooka, qui a œuvré de longues années lors des auditions devant la Commission
pour la Vérité et la Réconciliation, reconnaît que les paroles conciliantes de Mandela,
de Mbeki et d’autres plus enclins à pardonner, sont un peu trop généreuses. On la comprend
et c’est pour cette raison qu'il est bon d'écouter Hopewell Radebe:

Un adage africain « nous dit que nous ne devons pas offenser les morts par des paroles blessantes…
que l’on ne se querelle pas sur la tombe d’une personne défunte .»
Et qui dira que l’âme de l’Afrique n’inspire pas Mandela ?
Thabo Mbeki n’a-t-il pas écrit sa pensée sur la « Renaissance africaine » ?

Reste la vérité historique du « Grand Crocodile défunt » et Radebe énumère:

· C’est lui qui a militarisé le pays a l’extrême : les soldats étaient moins aux frontières du pays
qu’autour et derrière les préaux et les portes de nos écoles, des églises, et de tout lieux
de rassemblement.

· Des milliers de jeunes objecteurs de conscience européens ont été emprisonnés, harcelés,
psychiquement torturés et, pour beaucoup, conduits à l’exil.

· La Jeunesse africaine était la cible des hommes de la Sécurité de l’Etat.
Des milliers sont morts, des dizaines de milliers ont été torturés, bannis, harcelés.

· Tous ceux et celles qui étaient solidaires de la lutte des opprimés étaient taxés
de « communistes ».

· Les lois discriminatoires, telles l’interdiction des mariages mixtes, le port obligatoire,
sur sa personne en tout temps, de la carte d’indenté raciale ainsi que d'autres lois iniques,
ayant été abrogées par la force des pressions internationales, les fonctionnaires
de l’Etat continuèrent, et durant longtemps, de les appliquer… impunément.

Hopewell Radebe mentionne ces atrocités qui ne sont que le sommet de l’iceberg avant de dire :

A quoi cela sert-il de garder la haine dans son cœur ?

La majorité des Sud-africains veut consacrer son énergie à la reconstruction du pays.
Même si nous devons tous en subir pour longtemps encore les séquelles économiques d’abord,
même si nous avons tous besoin de guérison, guérison de l’âme et guérison du corps,
guérison du tissus sociale tout entier !
P.W. Botha, décédé, rencontre dans l’au delà ses victimes,
il rencontre avant tout son créateur à qui appartient le jugement.

(La BBC NEWS a repris le sujet en date du : 2006/11/03 00:05:13 GMT)