KATUTURA


samedi, octobre 04, 2003
 
Le 4 octobre 2003

C'était en 1982 à Rome. On m'avait demandé de venir faire service d'interprète lors d'un Congrès franciscain international, huit jours durant.
Il y eut, c'était dans l'ordre des choses, une visite au Vatican.

Il y eut un pèlerinage à Assise, en car. On roulait à travers cette nature magnifique sans pouvoir vraiment la contempler. Il fallait arriver à Assise en temps voulu. Là les centaines de franciscains, franciscaines,
s'éparpillèrent de tous le côtés, pour revenir à tel lieu à telle heure pour le retour à Rome.

J'ai donc marché dans ces ruelles d'Assise, je suis entrée dans un sanctuaire ou l'autre,
m'efforçant d'y humer l'esprit du poverello. En vain. Je n'ai pas acheté de bibelots franciscains,
je me suis offert un capucino qui a presque fait voler mon cœur en éclat. J'ai cherché les petites gens,
les petits artisans… De toutes les théories "franciscaines" élaborées au Congrès, je ne sentais aucune racine
en ces lieux, aucun souffle. Rien. Sinon la fatigue. Et je fus soulagée quand le car repartit pour Rome.
De mes compagnons de route, hommes et femmes, montait un "babillage" satisfait dans une demi douzaine de langages. Comme un "ruminement" satisfait après un bon repas. Moi pas. Pourquoi? Je ne sais pas.

Quelques années plus tard, j'ai demandé et obtenu de mes supérieures, de faire mon pèlerinage, en solo,
en train et en bus, au pays de François. Pas à Assise, mais à La Verna cette fois, et au Mont Penna,
là où Il Poverello avait cherché un sens à son état de vie, comme je le faisais moi-même à l'époque.
On m'avait accordé huit jours là-haut. Des églises, des constructions, des fortifications, des couvents accessibles et inaccessibles, des magasins de reliques "authentiques", des images saintes, des chapelets bénis par le pape,
tant d'autres curiosités semi artistiques.
En plus, des rangées de cars aux plaques allemandes, hollandaises, anglaises, françaises, déversaient des pèlerins cherchant, l'espace de quelques heures, un sens à leur vie, comme moi, peut-être! Dans la foulée de cette foule mouvante, je cherchais l'esprit de Il Poverello. En vain.



Je m'en suis retournée vers Florence, dans la voiture bancale d'une jeune fille qui, elle aussi, était venue en solo… chercher l'esprit du Poverello. Nous sommes tombées en panne quatre fois. Nous avons partagé nos pensées, et
c'est là, au bord du chemin, attendant de l'aide (qui toujours vint) que se révélait l'esprit enjoué de François. Nous sommes enfin arrivées en gare de Florence; des mendiants et des mendiantes nous tendaient la main;
nous n'avions rien à donner qu'un regard d'amitié "qui ne remplit pas le ventre", mais peut-être réchauffe le cœur. Tricheurs ou pas, ces mendiants de gare, en eux, j'ai rencontré le regard et la main du mendiant François, alias celle de Yeschouah, son maître adoré…

Comme l'écrit uniquement bien Gilbert Salem dans "Le Puzzle amoureux" (page 118 et suivantes) "C'est lui, l'Italien au ventre ceint par le cordon des miséreux, qui a fait houhou dans la cheminée". "Cela ne me fit pas peur, cela me rendit souriant dans la douleur". Encore: "François d'Assise m'enseigne que cela (la découverte de sens du chagrin) peut aussi se faire dans une espèce de gaieté diffuse, accompagnée du trille du merle, du hurlement du loup…" et j'ajoute "des truites qui volent dans les vaguelettes du Doubs et des oiseaux qui nagent, ivres de liberté, dans le ciel du Jura, au cœur des gens de tous les jours, chômeurs ou ouvriers stressés d'heures supplémentaires, dans les malades au regard qui vient de là où ils vont: la source de Vie… dans ces regards d'amis qui vous accueillent et vous permettent de verser quelques larmes sans honte!". Là je cherche et trouve, souvent, l'esprit du Poverello un peu fou… comme tous ceux qui aiment.